Julien est heureux car il s’apprête à retrouver le public de la Fête de l’Humanité, après onze ans d’absence. Demain sur la grande scène, il sera à l’origine d’un voyage tout en douceur majoritairement composé de ballades, registre où il excelle particulièrement. De Femmes je vous aime, Ma préférence aux chansons (la Jupe en laine, Restons amants) au charme romantique de son dernier album Où s’en vont les avions, il promet d’interpréter ses plus grands succès « un défilé des chansons que les gens aiment depuis des années », confie-t-il. Depuis quarante ans, Julien accompagne nos vies grâce à un répertoire aux textes sensibles qui résonnent comme autant d’hymnes à la beauté des sentiments. Il a su nous faire réfléchir sur nous, la société en cherchant à être « utile à vivre et à rêver » selon le mot et manifeste artistique de feu Étienne Roda-Gil, parolier complice à la plume flamboyante, qui voyait en lui un artiste « porteur de la notion d’espérance ». Jolie formule qui, aujourd’hui encore, fait écho à nos rêves d’inventer un autre monde. Passeur de bonheur et de tendresse, grand mélodiste et chanteur éminemment populaire, Julien a rendez-vous dimanche avec ses nombreux(ses) admirateurs(trices) à La Courneuve. Cela promet de beaux moments de ferveur collective.
Vous êtes passé à trois reprises sur la grande scène en 1976, 1983 et 1998. Doit-on y voir une fidélité de votre part, une affection particulière envers le pubic de la Fête de l’Humanité ?
Julien Clerc. Ma mère était encore vivante en 1998. Ce doit être le dernier concert qu’elle a vu alors qu’elle était déjà bien malade. On lui a mis une chaise en coulisse et elle a pu assister au spectacle. C’est l’un des premiers grands rassemblements pour lesquels j’ai chanté. Je me souviens de toutes ces fêtes du Parti dans les années 1970. Il y en avait beaucoup dans le Sud, comme à Alès, à Gémenos et la fête de la Marseillaise où j’ai chanté encore récemment. J’ai toujours apprécié le fait que même si on chantait sur la scène du meeting, il n’y avait pas d’entreprise de récupération politique. Je garde le souvenir de grandes rassemblements populaires et notamment de la Fête avec Charlebois. Ce devait être en 1983 où nous avons fait un spectacle en commun. C’était l’année du Boeing de la Korean Air lines dont on avait dit qu’il avait été descendu par les Soviétiques. On a commencé à se mettre sur les freins. On n’a pas fait une déclaration mais une minute de silence au milieu du show. C’était au tour de Robert de chanter. J’étais dans ma loge quand j’ai perçu un silence. Je me suis précipité sur scène et me suis mis à côté de lui pour observer une minute de silence. Il ne m’avait pas dit les choses explicitement, simplement qu’il allait faire quelque chose. Je me souviens très bien de ce spectacle-là.
Vous parlez souvent de votre grand-père communiste, de votre père gaulliste. En quoi votre histoire familiale a-t-elle influencé votre parcours ?
Julien Clerc. Elle m’a aidé à très tôt relativiser les engagements politiques. Je basais cela sur des êtres humains. J’adorais mon grand-père aussi bien que mon père, deux personnes fondatrices pour moi. Quand on est enfant, on sent les choses. Il n’y a pas l’intellect qui entre en jeu. J’allais d’un monde à l’autre. Mon grand-père habitait un deux pièces dans le 14e arrondissement à Paris, un deux pièces sans salle de bain, avec les toilettes sur le palier. Quand ma mère a divorcé de mon père elle est venue s’installer dans ce petit appartement. Lui était un ancien ouvrier au sol dans l’aviation. Puis il a laissé l’appartement à ma mère pour s’installer à Nice sur le vieux port. Moi, je ne voyais ma mère que pendant les week-ends car j’avais été confié à mon père qui habitait Bourg-la-Reine, une banlieue très bourgeoise, résidentielle dans une ambiance de famille nombreuse puisqu’on était six, mon père ayant eu cinq enfants supplémentaires avec sa seconde femme. Le week-end je disparaissais pour aller voir ma mère. C’était deux milieux complètement opposés car mon père avait épousé, chose rare à l’époque, quelqu’un d’une autre classe que lui. J’ai baigné très tôt dans cette double ambiance, dans cette France où Malraux lors d’un discours au Vel-d’Hiv avait dit : « Il y a les communistes et nous. » Et c’était le cas, à l’époque le Parti devait faire 24 % ou 25 %, avant que de Gaulle ne revienne au pouvoir. Tout cela m’a donné de l’humour. Ainsi, à Bourg-la-Reine, nous n’étions pas spécialement croyants, mais on était catholiques. Il fallait traditionnellement assister à deux messes, celle des Rameaux et celle de Pâques ou de Noël. J’avais été baptisé. Mais comme de l’autre côté mon grand-père, c’était sa génération qui voulait cela, devait être un stalinien pur et dur, quand je parlais du petit Jésus, il me disait que tout cela c’était des conneries. J’ai vécu dans cette ambiance-là durant toute mon enfance.
Vous avez des origines guadeloupéennes par votre grand-père maternel. Avez-vous été sensible au mouvement de lutte de cet hiver aux Antilles ?
Julien Clerc. C’est une chose que j’attendais depuis longtemps. C’est Salut les Copains qui m’avait payé le voyage. J’avais vingt ans et ma vision des Antilles était une vision fantasmée de l’enfance. Cela passait par le physique de mon grand-père, qui était un grand et bel homme, son accent créole, la cuisine et la famille qui débarquait en métropole avec des produits de là-bas. Quand je suis arrivé, c’était en 1968-1969 et il y avait déjà des mouvements. J’avais un jeune cousin qui descendait dans la rue tous les jours. Après, j’y suis retourné avec Philippe Lavil où on louait tous les ans une maison de sa famille. Là, on était en plein dans Békéland. J’étais parti avec Momo (Maurice Vallet, un des premiers paroliers de Julien Clerc - NDLR) qui s’engueulait tous les jours avec les cousins de Philippe leur disant que c’était des esclavagistes. On ne peut pas ne pas se rendre compte de cela quand on va aux Antilles. En fait, dans mon fantasme, être descendant d’esclaves, c’était un plus. Je ressentais plein de choses. Très rapidement, ma religion a été faite. Je pense qu’il y a à trouver une nouvelle façon de fonctionner là-bas. Certains disent qu’on est là-bas dans une position post-colonialiste. Ils ont raison sans doute. Il y a un très bon livre qui s’intitule les Codes noirs avec un formidable prologue de Christiane Taubira. Un truc qu’il faut absolument lire et dans lequel elle explique très bien ce que peuvent ressentir les gens d’aujourd’hui qui sont descendants d’esclaves.
Vous donnez l’impression d’être quelqu’un de doux, d’aimable en général dans la vie. Vous arrive-t-il d’avoir envie de vous révolter ?
Julien Clerc. Bien sûr que j’ai des révoltes. Quand on touche aux enfants, l’injustice… Je n’ai pas la fibre de quelqu’un qui a des engagements pour mettre ces révoltes en avant. Mais, la poésie est aussi un engagement. Je pense que certains grands textes, en particulier d’Étienne Roda-Gil, font leur part de travail dans la prise de conscience générale.
De ce point de vue, la chanson Utile (à vivre et à rêver) a été perçue comme très politique…
Julien Clerc. Ça, c’est une magnifique profession de foi de l’artiste, je trouve. Moi, mon rôle a été toute ma vie de mettre en musique de bons textes et si possible de grands textes. Mais Étienne en a écrit plein pour les gens qui savent écouter. Poissons morts, par exemple, est une chanson écologiste avant l’heure. Tout y est dit, en termes un peu baroques comme le faisait Roda-Gil. Comme cette chanson l’Assassin assassiné écrite par Jean-Loup Dabadie sur la peine de mort. Moi, ce qui m’intéresse, c’est d’écrire de bonnes chansons. Il peut y en avoir d’excellentes qui sont des professions de foi, mais il ne faut pas mettre, à mon sens, la charrue avant les bœufs. Cela doit d’abord être une bonne chanson et éventuellement une profession de foi.
Étienne Roda-Gil disait que vous « portiez en vous la notion d’espérance »
Julien Clerc. Je ne savais pas. C’est joli. C’est vrai que c’est plus mon emploi certainement. Je chante depuis quarante ans. À l’époque, je ne saisissais pas tout. J’y allais au sentiment, à l’instinct. Je ne regrette pas, durant toute ma vie, d’avoir été difficile sur le choix de mes textes. J’ai eu de la chance puisque Roda a mis la barre très haut dès le départ. Du coup, aux autres, j’ai beaucoup exigé d’eux.
En tant qu’interprète, comment faites-vous pour faire vivre une chanson, pour vous fondre à ce point dans les textes de vos auteurs ?
Julien Clerc. Je ne suis pas qu’un interprète, ce qui fait que c’est plus facile pour moi parce que je mets le texte en musique. Ainsi, il devient à moi. Quand je mets en musique des textes de poètes connus ou anciens comme les Séparés, de Marceline Desbordes-Valmore, je cherche à faire d’un poème une chanson. Mettre trois ou quatre accords en dessous d’un poème et le dire, pour moi ça, c’est une escroquerie. Ce qui compte, c’est de ce poème en faire une chanson de manière qu’une fois qu’on le lira ce poème, on ne pourra plus jamais s’ôter la musique de la tête. Brassens, c’est l’exemple. Quand il compose à partir du poème de Victor Hugo Gastibelza l’homme à la carabine, immédiatement on a l’air dans la tête. Pour moi, il faut que le texte soit mémorisable à travers la musique. Roda-Gil disait d’ailleurs toujours : « Une chanson, c’est un texte, une musique et une voix ». Il avait raison. C’est pour cela que c’est si difficile de faire un disque de reprises, chose très prisée aujourd’hui. Parce que derrière, un grand interprète qui a chanté les notes au bon endroit, il est bien difficile d’inventer quelque chose de neuf.
Au regard des vos chansons des débuts, la Cavalerie, la Californie et leur rythmique assez tonique, n’avez-vous pas l’impression, avec le temps, d’avoir composé des chansons de plus en plus mélancoliques ?
Julien Clerc. Dans mes disques, j’essaie toujours qu’il y ait moitié, moitié. Mais ma nature me porte plus facilement à écrire des choses mélancoliques. Les trucs gais, me demandent plus de travail. Je crois tout simplement que c’est plus facile de faire des ballades surtout pour un claviériste. Le pianiste, de par même la sonorité de son instrument, a une tendance à écrire plus facilement une ballade. C’est une évidence. Ainsi, le guitariste, qui a à sa disposition beaucoup plus de suites harmoniques, sera souvent beaucoup plus up-tempo. Chez un pianiste, les suites harmoniques sont par définition plus nostalgiques. Chopin n’est jamais loin.
Quand vous chantez Femmes, je vous aime, vous sentez-vous portez par l’amour de votre public féminin ?
Julien Clerc. Tout à fait. Les femmes, m’ont permis de survivre dans la mémoire des familles. À une époque je disais qu’elles avaient mis du Julien Clerc dans le biberon de leurs enfants, mais c’est un peu cela. On ne peut pas dire que les hommes me détestent, mais souvent à l’intérieur d’une famille elles sont souvent le moteur. Quand vous chantez depuis quarante ans, vous accompagnez la vie des gens. Aujourd’hui, ce sont plusieurs générations qui viennent me voir.
Au fil des ans, comment fait-on pour ne pas être démodé ?
Julien Clerc. J’ai eu la chance d’être passionné par la musique. Mon esprit n’est jamais parti ailleurs. Quand arrive le moment de travailler, je ne suis plus là. Je suis dans mon monde. Je cherche l’inspiration. En France, nous, artistes sommes sur un marché, celui de la francophonie, relativement restreint. Économiquement, je ne pourrais pas vraiment m’arrêter demain. Il y a une notion de vulnérabilité que j’entretiens. Être en danger est une bonne chose pour un artiste. Je crois ainsi que les affres de la création ne vous quittent jamais. Mais, c’est un travail. On écrit des chansons un peu à la manière d’un artisan.
Au moment de présenter votre travail au public, comment vivez-vous la scène ?
Julien Clerc. J’ai réussi à l’apprivoiser. Je prends plus de plaisir à être sur scène qu’avant parce que je suis beaucoup plus en contrôle de tout. C’est moins tendu que cela ne l’était, plus décontracté, relâché. Il y a un vrai plaisir, une acceptation du temps qui passe, des gens qui sont là. Mais sur le reste, je suis exactement dans la même attitude qu’au premier jour. Je crois que dès le début, je ne me suis pas trompé sur mon engagement artistique. Être connu n’était pas mon moteur principal. Les signes extérieurs de la « starification » ne m’ont jamais vraiment intéressé.
Qu’aimeriez-vous laisser ?
Julien Clerc. Je ne me fais pas beaucoup d’illusions sur la pérennité des chanteurs. Regardez, même des gens aussi proches de nous que Brel ou Brassens, on les entend assez peu à la radio. Je pense que les chanteurs se meurent avec leurs fans. À moins d’avoir un petit jeune qui passe par là et se prend d’amour pour le répertoire et décide de faire revivre tout cela à sa façon. Franchement, ce sont des choses auxquelles je ne pense jamais. Le but, ce n’est pas de laisser une trace dans la vie. On s’engueulait beaucoup à propos de cela avec Étienne. Il me disait souvent « on fait une œuvre quand même ». Moi je lui répondais « arrête, on écrit des petites chansons ». Ce qui ne veut pas dire qu’il ne faut pas être exigeant car le spectacle est une chose sérieuse. Étienne quand il parlait d’œuvre, il pensait certainement à l’idée de laisser quelque chose. Personnellement, il s’agit d’une œuvre vis-à-vis de moi, de mon vivant, de mon temps. Ce me paraît plus important.
Entretien réalisé par Victor Hache
Concert grande scène demain à 17 heures.
Album Où s’en vont les avions chez Virgin.
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열심히 따라서 공부좀 해보려고 했더니만, 막 펌질의 터를 딱아놓자마자 "연재를 마치며"라는 마지막 글이라니, 놀랍고 아쉽다. 나름의 사정이 있겠으니 다음을 기약... 마지막회 분에서 눈에 띄는 세 사람의 이름(부르디외, 레비스트로스, 라캉)과 좀 새로운(즉 내가 몰랐던) 사실들이 걸려있는 문단만 옮겨다 둔다. [사소한 참견 하나: 만약에 고종석의 영자표기가 Jong-Seok Ko 식이라면, Claude Levi-Strauss의 한글표기는 '레비-스트로스' 보다는 '레비스트로스'가 바람직하지 않을까?]<8> 연재를 마치며
생전에 프랑스만이 아니라 세계 사회과학계의 황제 노릇을 한 부르디외(Pierre Bourdieu)도 빠뜨릴 수 없습니다. 부르디외는 분명히 사회학자였지만, <말한다는 것의 뜻>(Ce que parler veut dire)을 비롯한 그의 몇몇 저작들은 언어(의 계급적 분화)에 대해 깊은 통찰을 보이고 있습니다.
레비-스트로스는 언어만이 아니라 친족이나 신화 따위도 구조라는 것을 벼락같이 깨달았습니다. 즉 친족에서 중요한 것은 아버지(나 아들이나 외삼촌)라는 실체가 아니라, 아버지와 아들 사이의 관계(대립을 통한 차이, 또는 차이를 통한 대립), 아버지와 외삼촌 사이의 관계 따위라는 것을 깨달았습니다. 그는 또 야콥슨에게서 배운 ‘음소’(phoneme)라는 개념에 착안해 ‘신화소’(mytheme)라는 개념을 고안했습니다. 구조주의 음운학자들이 음소를 언어 분석 단위로 쓰듯, 레비-스트로스는 신화소를 신화 분석 단위로 썼습니다. 이렇게, 구조주의 인류학이 탄생한 것입니다. 그렇다면 우리는 “랑그는 형식이지 실체가 아니다”라는 소쉬르의 유명한 선언을 레비-스트로스 식으로 이리 바꿀 수도 있겠습니다. “친족이나 신화는 형식이지 실체가 아니다.” 여기서 ‘형식’은 ‘구조’나 ‘관계’라는 말로 대치할 수 있겠지요. 정신분석학자 라캉(Jacques Lacan)도 인간의 무의식을 언어와 같은 구조로 여겼다는 점에서 소쉬르의 자식이자 언어탐구자였다 할 수 있습니다.
입력시간 : 2009/11/15 22:49:14 수정시간 : 2009/11/16 02:04:52
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사소한 참견 하나만 더: 원숭이도 나무에서 어쩌고처럼, 거의 완벽한 정확성을 추구하는 듯한 고종석도 실수를 할 때가 있다. 마지막 글에서 그가 언급한 "프랑스의 마르티네(Andre Martinet)와 무냉(Georges Mounin), 벤베니스트(Emile Benveniste)와 아제주(Claude Hagege) 같은 이름들은 기다란 ‘언어학의 거장’ 리스트의 극히 일부분일 뿐입니다"라는 문장에서,'Émile Benveniste'의 발음은 '벤베니스트'가 아니라 '벵베니스트'라고 불어 위키페디아에 다음과 같이 분명히 명기 돼 있다 ('en'의 발음표기가 위키에는 네모로 나오는데 메모장에 붙이면 '엥'으로 살아난다 [물론 빠리지엥(앙)들은 촌스러운 '앵' 대신에 '앙'에 가깝게 발음하니, 실제로는 '벵베니스트'로 쓰고 '방베니스트'로 부르는 게 덜 촌시럽겠다]) :
Émile Benveniste (prononciation : [bɛ̃venistə]), né à Alep en Syrie le 27 mai 1902 et mort à Paris le 3 octobre 1976. [cf. 그의 아주 훌륭한(철학에서도) 책(국역도 된) : Le Vocabulaire des institutions indo-européennes 1 et 2, 1969, Paris, Minuit]
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